dimanche 25 mai 2014

libre

je les ai accompagnés pour la naissance de leur premier enfant, il y a quelques années. jeune diplômée alors, je ne m'étais pas libérée de la médicalisation apprise à l'école et ma prise en charge notée dans le dossier ne serais sans doute pas la même à présent... mais ils gardent un excellent souvenir de cet accouchement et sont ravis que le hasard des gardes nous fasse de nouveau cheminer ensemble...

la dilatation est déjà bien avancée et l'intensité des contractions laisse penser à une naissance rapide... la péridurale souhaitée ne sera sans doute pas possible et je l'en informe. elle est seule en travail dans le service cette nuit là et le calme qui règne me permet de rester, heureusement, à ses côtés.

c'est debout qu'elle se sent bien, c'est donc debout qu'elle restera. c'est debout qu'elle commencera à pousser, debout que nous l'encouragerons. je ne l'examinerais pas, devinant sans peine la progression de son bébé, la poussant à se faire confiance et à écouter son corps. elle a juste besoin que je lui confirme que tout va bien...

et c'est debout, sans entrave, qu'elle mettra au monde son enfant...

elle dira plus tard à mes collègues que vraiment, elle ne regrette pas l'absence de péridurale, car elle se remet bien plus vite de cette naissance là... "et puis, finalement, la dernière phase qu'on pense la pire, est en fait la moins douloureuse... "

lundi 5 mai 2014

L'histoire de Louise C - épisode 11

A l'occasion du 5 mai, journée internationale de la sage-femme, les blogueurs sages-femmes vous invitent à voyager de billet en billet pour découvrir l'histoire de Louise.

le début de l'histoire est ici ... 


 ouf, enfin, je peux me poser! le service est un peu plein, on dirait que tous les bébés ont voulu naître ces derniers jours... mais les patientes ont toutes été vues, j'ai avec moi une étudiante sage-femme qui assure, et on a enfin pu manger un peu avant que j'attaque les divers papiers et les saisies informatiques, part obligatoire de mon boulot, mais avouons le, pas la plus passionnante... j'aurais préféré passer ce temps là auprès de mes patientes... allez, premier dossier de sortie, vérifions que les actes ont tous été codés dans le logiciel, et que le dossier est bien rempli... lettre de sortie pour le médecin traitant, au suivant! je soupire devant la pile devant moi, j'ai l'impression de perdre un temps précieux... 
après les dossiers de sortie, vérifions les prescriptions médicamenteuses au niveau informatique... ah, ça, ils aiment l'ordinateur , à l'hôpital... sans penser à celles qui passent du temps devant au lieu d'être dans le service... tiens, j'ai rajouté un antalgique à la patiente césarisée du 20... et de la pommade anti-hémorroidaire à sa voisine... je clique, j'ai presque fini, ouf! 

« vous me faites chier Sylvie, vous me faites chier! »

les cris qui m'alertent viennent de la chambre 12, la chambre de Mme C. Mme C, petite chose fragile et discrète. Enfin jusqu'ici. Pour l'instant, elle a surtout l'air d'une lionne, une lionne qui aboie sur une femme qui est tout son contraire, cheveux rouges flamboyants, vêtements colorés et bijoux peu discrets. Sa belle-mère, sans doute, décrite par ma collègue de nuit comme une femme envahissante qui semble vouloir prendre la place de la jeune maman auprès du nouveau-né.

Entre les 2, l'étudiante sage-femme qui travaille avec moi aujourd'hui. Les yeux écarquillés, elle tente de contenir la fureur de notre patiente.

« c'est ma fille, vous entendez, ma fille! Vous n'êtes que sa grand-mère! Si j'ai besoin de conseils, je les demanderais à des professionnels! »

« j'ai été mère avant vous, ma petite! Je sais ce qu'il faut faire avec un bébé! »

l'étudiante se dégage du duo, me rejoint et m'explique en quelques mots la situation. La belle-mère me chauffe les oreilles et je suis contente que Mme C lui dise enfin ses quatre vérités... mais mon rôle est, aussi, de calmer les choses.

« mesdames, les autres mamans aimeraient sans doute se reposer... que diriez vous de rentrer dans la chambre pour discuter calmement? »

la belle-mère est rouge de colère et me prend à témoin de la façon dont la jeune maman vient de la traiter...

« souvenez vous lorsque vous êtes devenue maman... auriez-vous aimé que votre belle-mère s'impose de cette façon? »

« là n'est pas la question! C'est ma petite-fille et j'entend bien avoir mon mot à dire dans la façon dont sa mère s'en occupe! »

là, elle commence vraiment à me chauffer les oreilles, la belle-mère...

« mon fils a toute confiance en moi, il m'écoute, lui! »

Je me force à respirer, je n'ai pas à critiquer la belle-maman...

la toute nouvelle maman, elle, berce sa fille, soutenue par l'étudiante. « j'ai appelé Julien, de toute façon, il arrive »

il arrive, effectivement, et trouve un drôle de tableau dans la chambre. Sa femme le met rapidement au courant de la situation.

« ok maman, alors maintenant, on va mettre les choses au point. C'est notre fille, notre bébé. Nous nous occuperons d'elle comme nous le décidons, tous les 2. toi, tu es sa grand-mère. Tu n'as pas à intervenir dans son éducation. Nous t'accueillerons avec plaisir si tu viens nous rendre visite, à une seule condition: que tu ne critiques jamais notre façon de faire. Reste à ta place et tout ira bien. Dans le cas contraire, mon choix sera vite fait... »

la belle-mère en reste interdite. Ma collègue libérale qui avait suivi la grossesse m'avait parlé de ce fils « à maman », qui n'avait visiblement pas encore complètement coupé le cordon, et avait laissé sa mère envahir l'espace du couple.

On dirait que le petit garçon vient de devenir un homme.

La belle-mère, vexée, sort de la chambre dans un claquement de porte.

Le jeune couple, lui, s'enlace autour du nouveau-né. 

 
les autres épisodes:

épisode 2
épisode 3
épisode 4
épisode 5
épisode 6
épisode 7
épisode 8
épisode 9
épisode 10