mercredi 30 avril 2014

formatée

"je veux pousser, je veux qu'elle sorte, j'ai envie de pousser!"
"mais, si vous avez envie, allez-y!"
"hein? comme ça? mais, euh... "

la jeune femme en face de moi est perdue. le travail a été rapide et elle n'a pas eu le temps d'avoir une analgésie.
elle s'attendait à ce que je l'installe, pieds dans les étriers, campée entre ses jambes, mains gantées, en lui disant quand pousser.

et voilà que je la laisse se placer comme elle le souhaite, et lui dit de pousser comme elle en a envie.

elle ne comprend plus rien.

elle tient à se mettre sur le dos, "ah non, on n'accouche pas sur le côté!", me réclame de quoi poser ses pieds (mes bras suffiront)...

et puis elle lâche enfin, pousse.

s'arrête.

"je n'y arrive pas, sortez la avec la ventouse!"
"vous allez couper hein? sinon ça va se déchirer!"

entre 2 poussées, j'explique que si, elle va y arriver, non, je ne sortirais pas la ventouse, et non, je ne couperais pas.

elle accouchera parfaitement bien, avec juste quelques points nécessaires.

mais se sent plus "choquée" par cette naissance là que par son premier accouchement.

où elle avait eu ventouse, épisio et délivrance artificielle.



vendredi 25 avril 2014

petit bout

tu ne mesures que quelques cm et tu tiens dans ma paume. un espoir, un miracle, m'a dit ta maman quelques heures plus tôt... et tu es là dans ma main, si petit...
trop petit...

je t'ai placé dans un lange dès ta venue, et je t'ai emmené. tes parents ne souhaitent pas te voir. c'est trop dur pour eux, trop violent. je serais la seule à connaître ton sexe, à avoir touché tes mains fragiles, tes jambes si fines. je t'ai pesé, pris en photo, pour eux, si un jour ils désirent te voir...

nous avons espéré que les contractions s'arrêtent. que le col continue de protéger l'utérus et son précieux contenu...

et puis une contraction plus forte... la poche des eaux qui se rompt, le col qui lâche... elle l'a senti, a attendu en pleurant que je prononce les mots si terribles...

comment annonce-t-on à une mère qu'elle va mettre au monde son enfant avant qu'il ne puisse vivre?


mercredi 16 avril 2014

intense

c'est son premier bébé. le col est à peine dilaté, mais elle a si peur, elle a si mal, elle ne va pas savoir... elle a regardé babyboom, mais dans babyboom, ça ne se passe pas comme ça... et puis ce liquide qui coule, là, c'est dégueulasse, elle a peur...

mais son bébé, lui , a décidé de venir vite. 1, 2, 8cm en moins d'1 heure. ça pousse. mais elle ne veut pas, elle a peur, et puis elle n'a pas appris à pousser, et puis elle va être une mauvaise mère, comme la sienne, et puis elle veut aller à la selle, mais comment ça c'est son bébé qui pousse, mais il sort pas par là!

le futur papa heureusement est zen, soutenant.

elle se calme, elle va y arriver, et bientôt elle va serrer sa fille dans ses bras, elle l'aime si fort hein, ça va être la plus belle du monde, tu vas voir mon chéri, on va y arriver...

mais non, ça fait trop mal, elle ne veut pas, et puis ce liquide qui continue de couler, mais ouvrez moi le ventre, faites moi une césarienne, sortez la, aidez moi, je ne peux pas!

je la sens, elle est presque là, je vais la serrer contre moi, je vais être une bonne maman, hein mon chéri, je t'aime, tu vas voir, on va avoir une belle petite fille...

ah mais non, mais ça fait trop mal, elle est coincée là, elle étouffe, je veux pas, ça brûle, je veux pas!

elle est là. calmez vous. respirez. regardez la. c'est fini. elle est là.

dimanche 6 avril 2014

"AAD"

elle est arrivée moins d'une heure auparavant, et les grognements de son souffle ne laissent aucun doute sur l'issue rapide de l'accouchement... debout, appuyée sur la table, elle pousse à chaque contraction. son bébé est bientôt là...
ses jambes ne la portent plus et elle demande à s'allonger. spontanément, elle se tourne sur le côté. la petite tête sort tranquillement... je l'aide un peu pour les épaules, dont la sortie est rendue difficile par une petite main balladeuse. et elle attrape son bébé contre elle...

rallongée, je la recouvre, surveillant de temps à autre les saignements et attendant la reprise des contractions, signe de la délivrance. le placenta arrive au bout de plusieurs minutes, où les heureux parents font tranquillement connaissance avec leur bout'chou...

les quelques points nécessaires, eux, attendront que la maman me donne l'autorisation de vérifier son périnée. le léger saignement de la déchirure impose un peu de couture, une anesthésie locale la rend non douloureuse, et la peau, impossible à anesthésier, cicatrisera très bien naturellement...

2h après sa naissance, c'est en marchant, ou presque, qu'elle rejoindra sa chambre...

elle aurait aimé un AAD... elle n'a aucun regret!